Vos retours — Action catholique des milieux indépendants (ACI)

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Vos retours

La rencontre de Lyon vu par Jean-Pierre Demange, membre de l'équipe de Strasbourg.
Europe for Earth 
Lyon
 
 2021-22 août 2021

 

La rencontre Europe for Earth a réuni plus de cinquante personnes à l’appel de l’ACI France et du « Relais Européen du MIAMSI » qu’elle préside actuellement. La Belgique était représentée par sa présidente et des messages des mouvements italiens et portugais, empêchés en raison de la crise sanitaire, ont été lus en début de rencontre.

Le programme, très dense, nous a réunis sur le thème « Convertir nos pratiques environnementales et sociales » : quatre tables rondes, une conférence débat et trois ateliers nous ont permis de nous interroger sur nos pratiques et de nous ouvrir de possibles chemins de conversion.

 

  • Conférence-débat : De laudato si à fratelli tutti 

 

La conférence « De Laudato si’ à Fratelli tutti » par le Père Bruno-Marie Duffé, alors secrétaire du dicastère pour le service du développement humain intégral, nous a remis face aux grand enjeux environnementaux et sociétaux tels que le pape François nous les présente dans ses deux encycliques. C’est un appel à la conscience universelle, une conscience collective et politique qui doit conduire à la reconstruction du « nous », au passage de l’individualisme à une culture de la rencontre. Chez le pape François, il y a une intuition de la réconciliation, par un nouveau regard sur la terre et sur les frères ; une réconciliation active en participant à des parcours de fraternité et de paix, en pratiquant le devoir sacré de l’hospitalité.

En réponse à une question lors du débat qui a suivi mentionnant l’écart important entre ce que nous vivons au quotidien et ce que nous voudrions vivre, le père Duffé nous dit que cet écart ne doit pas nous rendre tristes mais nous motiver pour avancer.

 

  • Les tables rondes

 

Les enjeux sociaux de la conversion écologique en Europe

Henri Malosse, président de l’Association Jean Monnet, ancien président du Conseil économique et social européen, nous dit que la question écologique est une évidence et ce qu’il faut sauver ce n’est pas la planète mais nous, l’humanité. L’union européenne donne un véritable élan avec le pacte vert pour l’Europe vers lequel ira un tiers du budget septennal de l’UE. La taxonomie européenne, création d'un système de classification de ce qui est considéré comme « durable » d'un point de vue environnemental et social, donne un cadre aux activités économiques dans le domaine de l’environnement. Mais le grand défi est celui de la cohérence des politiques : ne pas laisser les plus défavorisés sur le bord du chemin de la transition écologique, renforcer les économies locales.

Pierre Larrouturou, député européen, porte-parole de Nouvelle Donne, fait référence au rapport de l’agence internationale de l’énergie de mai 2021 : la lutte contre le réchauffement climatique repose sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre (grâce à une baisse massive de la consommation des énergies carbonées) et sur l'augmentation des capacités de stockage du carbone (forêts et des sols). Puis il nous parle de son action au Parlement européen pour la transparence de banques et des assurances ainsi que sur la nécessité de taxer la spéculation.

 

De la dimension personnelle à la sphère socio-économique

Marcel Rémon sj, directeur du Centre de Recherche et d’Action Sociale (CERAS), nous demande de nous poser la question : « au travail, qu’est-ce que je peux apporter d’intéressant ? ». Car le travail a une dimension associative, c’est un bien commun au sens de la doctrine sociale de l’Église, c’est-à-dire cet « ensemble de conditions sociales qui permettent tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres, d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée » (Gaudium et Spes). Dans son discours à l’Organisation Internationale du travail, le 17 juin 2021, le pape François rappelle que le travail doit être dignifiant, il doit prendre soin de l’homme. Le père Rémon nous propose de nous référer au rêve du pape François dans Fratelli Tutti : rêve social, rêve culturel, rêve écologique, rêve ecclésial.

Edoardo Barbarossa, de l’Association communautaire Pape Jean XXIII, intervient depuis la Sicile pour nous faire part de son expérience dans cette communauté fondée par Don Oreste Benzi il y a plus de cinquante ans et présente dans une cinquantaine de pays. Il s’agit d’une société de la gratuité, une alternative à l’économie de profit : « un avoir en commun ». Cette économie de partage permet de « suivre le chemin de la fraternité, de la justice et de la durabilité ». C’est une économie de l’agriculture, à l’opposé du paradigme économique dominant, avec une approche d’écologie intégrale.

 

La mutation des professions et des entreprises

 

Mylène Franceschi, directrice du Groupe La Poste en Auvergne-Rhône-Alpes, nous explique que le groupe La Poste (chiffre d’affaire 31 milliards €, dont 41% à l’international) est soumis à une double contrainte numérique et écologique. C’est une « société à mission » selon la loi Pacte, déclarant sa raison d'être à travers plusieurs objectifs sociaux et environnementaux. Elle possède aussi la plus grosse flotte électrique du monde et elle neutre en carbone depuis 2012, ayant diminué de 33% ses émissions de carbone de 2013 à 2020. Un choix stratégique est l’implication des salariés qui sont associés aux réflexions sur la transition écologique et sont fiers des objectifs fixés par l’entreprise.

 

Jean-François Barrou, membre de l’ACI, consultant chez Thalès nous livre son témoignage sur la création d’un collectif de salariés (40 personnes) de son entreprise pour agir sur les déchets et les gaspillages alimentaires, en interface avec la direction. Ce collectif est en relation avec d’autres collectifs des autres sites du groupe et, au sein d’un groupement, avec les collectifs d’une trentaine d’entreprises ayant des structures écoresponsables. Cela crée du lien (entre collaborateurs, avec les directions, les fournisseurs, les autres entreprises) et conduit vers une culture de l’amélioration, vers une société plus responsable, vers une attention aux aspects sociaux et une meilleure vision de l’homme.

 

Lucie Pinson, directrice exécutive de Reclaim Finance, a fondé cette association en mars 2020 pour agir auprès des banques, des assureurs, des investisseurs pour « mettre la finance au service du climat », avec une vingtaine de salariés à Paris, Londres, ou ailleurs. Cela consiste à dénoncer les investissements dans le charbon, le pétrole et le gaz, à dialoguer et à chercher de nouvelles solutions. Il s’agit aussi de mettre sous pression les banques centrales pour qu’elles mettent leurs pratiques au service du climat en accélérant la décarbonation des flux financiers.

 

La conversion écologique en territoire

 

Silvère Lataix, adjoint à la Maire du 3e arrondissement de Lyon, délégué à l’action sociale, insiste sur le fait que la thématique sociale est très forte au niveau de l’écologie. L’écologie politique consiste à vouloir sauver les habitants de notre planète. La conversion écologique et sociale de Lyon a commencé par l’écriture d’un projet social du CCAS, à savoir une politique se solidarité avec les personnes plus fragiles. Il a été établi un baromètre de non-recours aux droits : les personnes qui ont besoin d’aide sont en fait des personnes qui devraient déjà bénéficier d’aides prévues. Le problème principal à Lyon est le foncier, il faut acheter des immeubles et les rénover et rénover les logements sociaux existants : la conversion sociale est écologique.

 

Emilie Ducourant, en ACI dans le territoire d’Arras, militante à Europe-Écologie-les-Verts, nous partage son cheminement vers cet engagement et sa candidature aux dernières élections départementales et de ses interrogations : comment faire en sorte que toute la société s’empare de cet enjeu urgent de la transition écologique ?

 

  • Les ateliers

 

Chaque participant peut choisir l’un des trois parcours suivants :

1. Aborder les mutations numériques et écologiques.

2. Convertir nos métiers, transformer nos pratiques professionnelles.

3. Convertir nos modes de vie : mobilités, consommation, habitat.

 

Dans chaque atelier 3 groupes de 6 personnes sont constitués : des « équipes ACI » qui se retrouvent en trois temps pour :

Regarder : la conversion écologique : où en est-on ? Pourquoi et comment ?
Discerner : la dimension sociale, une économie à visage humain.
Transformer : continuer la démarche et inviter d’autres.

 

Parcours 1: Aborder les mutations numériques et écologiques

Les mutations numériques sont un fait de notre société avec des conséquences sur l'environnement et les rapports humains. Comment conjuguer conversion écologique et mutation numérique ? Quels en sont les enjeux ?À quoi nous sentons-nous appelés nous-mêmes ? Avec d'autres ?

Premier temps : le numérique est dans le domaine de l’immédiateté. L’usage du numérique est chronophage. L’impact écologique du numérique n’est pas directement perceptible : c’est la pollution invisible.

Deuxième temps : le numérique est paradoxal, il nous met en relation avec les autres, avec le monde entier, mais nous isole chacun chez soi, il prive de contact physique. Il induit une nouvelle fracture sociale entre ceux qui ne le maitrisent pas et les autres. Souvent il confisque le débat.

Troisième temps : nous prenons conscience du risque d’asservissement au numérique, de la nécessité de rester critique. Ne pas se dire « c’était mieux avant », mais accepter d’évoluer et accompagner eux qui en ont besoin. Se mettre des règles et en faire un usage réfléchi et responsable.

 

Parcours 2: Convertir nos milieux professionnels : Comment agir dans notre entreprise ?

Les citoyens acteurs de la société sont aussi des entrepreneurs, des indépendants, des salariés qui saisissent leur responsabilité ainsi que celle de leur entreprise/organisation dans la transition écologique et solidaire.

Premier temps : Nous nous demandons quelles sont nos convictions, nos interrogations, les difficultés que nous rencontrons.

Deuxième temps :  la problématique des relations intervient-elle dans mon entreprise ou dans les entreprises avec lesquelles je travaille ? Quelles pratiques interrogent-elles ?
À quoi et à quelles personnes ou groupes nous rendent-elles attentifs ?

Troisième temps : Il y a encore un grand pas à faire pour faire bouger la vision et la stratégie des entreprises.

 

Parcours 3   Convertir nos modes de vie : mobilités, consommation, habitat

La conversion de nos modes de vies et nos engagements dans ce domaine s’opèrent dans des registres divers et à différentes échelles : concrètes et quotidiennes ; associatives et politiques ; locales, municipales, régionales, nationales et internationales.

Premier temps : la conversion écologique : où en est-on ? pourquoi nous la voulons ? C’est une réflexion sur nos choix quotidiens, la cohérence entre nos actes, nos convictions, notre foi dans la vie et en Dieu ?

Deuxième temps : la dimension sociale : une économie à visage humain. L’urgence d’une conversion écologique intervient dans nos modes de vie, sur nos choix, sur l’organisation de la société : nouvelles façons de consommer, de se nourrir, de se loger, de se déplacer, de s’habiller, de placer son argent. À quoi et à quelles personnes ou groupes cela nous rend-il attentifs ?

Troisième temps : continuer la démarche et inviter d’autres. Les possibilités sont variées : des repères pour agir, des décisions à venir, une idée de l’impact de nos actions, une action précise, concrète que je souhaite mettre en œuvre, seul, ou avec d’autres, lancer un appel autour de nous, à nos proches, collègues, amis.

Les travaux de ces trois parcours ont été représentés de façon très concrète sur des posters et synthétisés lors de la clôture des journées.

 

Deux associations sont venues nous présenter leur démarche lors de la soirée du samedi :

  • La Fresque du climat a été créée fin 2018. Elle propose de comprendre le changement climatique et de permettre une prise de conscience vertigineuse des enjeux climatiques et de travailler sur ce qui peut être fait collectivement et individuellement.
  • Altercathos est une association de laïcs lyonnais qui réunit des citoyens soucieux de se former aux questions politiques et sociales contemporaines. En référence à la doctrine sociale de l’Église, elle organise des conférences, des ateliers de réflexions, des formations, des soirées Poésie, chansons, des expositions au Café associatif  Le Simone (en référence à Simone Weil) à Lyon. “Catholiques” parce que nous assumons notre enracinement dans la tradition réflexive de l’Église. C’est une expression du catholicisme aujourd’hui dans le souci écologique, à travers une encyclique comme Laudato Si, qui s’efforce d’articuler les biens individuels au bien universel qu’est le climat.

 

Nous avons été accompagnés pendant une grande partie de la session par Monseigneur François Fonlupt, archevêque d’Avignon, Président du Conseil pour les mouvements et associations de fidèles à la Conférence des évêques de France, qui a présidé la célébration eucharistique.

Nous avons pu vivre une session très intense, très bien organisée, au cours de laquelle nous avons pu rencontrer des acteurs venus témoigner de leurs réflexions et de leur actions, réflexions et actions éclairant nos propres démarches personnelles : le chemin est encore long, mais nous y sommes engagés avec nos interrogations mais aussi notre espérance de chrétiens.

Le message final nous invite vraiment à convertir nos pratiquesenvironnementales et sociales !