Thionville - Les Pères de l'Europe reconnaîtraient-ils leurs enfants aujourd'hui ? — Action catholique des milieux indépendants (ACI)

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Thionville - Les Pères de l'Europe reconnaîtraient-ils leurs enfants aujourd'hui ?

Le Territoire de Metz organise à Thionville une conférence débat avec le frère Olivier Poquillon, secrétaire général de la COMECE

Samedi 19 janvier de 14h00 à tard dans la soirée

L'Europe: ses contradictions, son histoire, ses perspectives, ses racines et ses convictions ! Le frère Poquillon, secrétaire général de la Commission des Episcopats de la Communauté Européenne à Bruxelles nous aide à y voir plus clair.

 

 

 

Maryse Robert, présidente du MIAMSI à coté de Frère Olivier Poquillon

 

 

 

Un regard chrétien sur les défis pour l’Europe

À quelques semaines des prochaines élections pour le Parlement européen, le frère dominicain Olivier Poquillon, nous livre quelques convictions que les catholiques s’efforcent de promouvoir auprès des instances européennes.

Nous vous partageons son exposé

 

Avec le Brexit, mais aussi le renouvellement de la Commission, l’élection de nouveaux présidents pour le Conseil et la Banque centrale européenne en plus du Parlement, l’année 2019 sera particulièrement décisive pour l’avenir de l’Union européenne. Qu’on aime ou pas la façon dont fonctionnent ses institutions, qui n’ont pas, en tant que telles, les promesses de la vie éternelle, l’Europe, en tant que Continent peuplé d’habitants liés par une communauté de destin autour d’une histoire, de cultures et de repères partagés, a un rôle spécifique à jouer pour ses citoyens et dans le concert des nations. Et l’Europe à travers son projet est un promoteur majeur dans le concert des nations, des droits de l’homme, d’une conception de la démocratie et de la défense du développement durable. Si l’Europe s’affaiblit face aux acteurs majeurs que sont la Chine, la Russie et les États-Unis, qui défendra ces principes fondamentaux ?

Il revient donc aux peuples européens de s’interroger aujourd’hui sur ce qu’ils veulent construire ensemble. Et dans ce débat, les catholiques ont leur rôle à jouer.

En effet, la volonté de réconciliation, telle qu’exprimée par les pères fondateurs, passe, encore aujourd’hui, par la reconnaissance d’un destin partagé et le choix de construire un projet commun passant par l’exercice commun d’une partie des souverainetés nationales au profit de la recherche d’un bien commun plus large. Mais aujourd’hui, au cœur d’une société mondialisée, les repères disparaissent. Les peuples ressentent confusément une perte de contrôle de leur avenir. Le souci du bien commun n’est plus une évidence. La culture individualiste a pris le pas et chacun recherche avant tout son intérêt particulier. L’Europe est placée aujourd’hui face à ses responsabilités. Les chrétiens sont certainement appelés à exercer leur discernement et à éclairer les consciences pour choisir dans quelle direction ira l’Europe dans les prochaines décennies.

 

De grandes mutations

La situation de l’Europe en 2019 diffère de la période d’après-guerre. Les jeunes générations ont le sentiment que la paix est définitivement acquise. Pourtant, la guerre existe à nos portes, en Ukraine, en Méditerranée et les Balkans restent instables. Le combat pour la liberté et la réconciliation franco-allemande ne fait plus rêver. Les pays de l’ancien bloc de l’Est reprochent à ceux de l’Ouest de brader leurs valeurs. Partout, des courants populistes émergent rejetant la faute sur l’autre, quel qu’il soit. Il y a une vraie méconnaissance mutuelle entre les peuples d’Europe. Il devient difficile dans ce contexte de construire l’unité dans la diversité, message évangélique devenu la devise de l’UE. Or, cette culture de la rencontre et du dialogue, l’Église en vit depuis deux mille ans. Elle peut aider les peuples et les dirigeants à s’interroger pour trouver de nouvelles manières d’avancer ensemble aujourd’hui.

Deux grands défis se posent à l’Europe aujourd’hui. Le premier concerne la mutation radicale de la révolution numérique, qui induit des changements anthropologiques fondamentaux. Le monde d’hier reposait sur des hiérarchies verticales. Aujourd’hui, nos sociétés sont devenues horizontales, sans qu’on puisse dire qui fait autorité. Le statut de la parole des dirigeants est en concurrence directe avec celle de n’importe quel citoyen. Le rapport au temps et à l’espace est bousculé. Toute information circule partout de manière instantanée. Tout le monde se retrouve en concurrence avec le reste du monde. Face à cet environnement multiforme, une demande de repères, de principes fondamentaux se fait jour. La foi et la tradition chrétienne, centrées sur Dieu qui se fait homme, propose à travers son enseignement social des critères pour trouver du sens et à refonder un projet au service des peuples. Pour qui et pour quoi mettre en œuvre telle ou telle politique ? Nombreux sont les élus qui cherchent sur quoi fonder leurs choix éthiques, devant cette complexité croissante. Deux modèles de société s’affrontent : une vision individualiste où le citoyen-consommateur, centré sur lui-même devient sa propre référence, évaluant tout en fonction de la jouissance immédiate que cela lui apporte, sans souci des autres ni du long terme. C’est une logique de prédation. Dans ce modèle, pas de dialogue mais des confrontations d’intérêts particuliers. Le citoyen raisonne en « j’aime » / « j’aime pas » comme sur les réseaux sociaux.

 

Une autre conception est ancrée dans le personnalisme chrétien : on y reçoit la vie, on la partage et on a la transmet. C’est une société qui chercher à produire du fruit, où la diversité peut devenir productive, dans une volonté de recherche d’un bien commun que l’homme a reçu en dépôt des mains de son Créateur.

Le second grand défi en Europe concerne la démographie. La vieille Europe, comme l’appelle le pape François, doit s’interroger sur sa très faible natalité. Mais, au-delà de ce phénomène, il faut regarder aussi la question migratoire. Nombre de pays de l’Est voient une proportion très substantielle de leur population disparaître. Si on vante un peu partout les bienfaits de la mobilité, comme dans le programme Erasmus pour les étudiants, la situation est plus préoccupante quand un pays voit fondre ses forces vives, aspirées vers l’exil par l’absence de perspectives d’avenir. Le récent voyage du Pape dans les pays baltes avait pour objectif de soutenir ces populations fragilisées. Il faut redonner de l’espérance, aider les décideurs à discerner pour ne pas se limiter à des intérêts à court terme, mais promouvoir des politiques constructives pour les prochaines générations. En posant les bonnes questions, les chrétiens peuvent aider les élus et leurs concitoyens européens à mieux discerner les enjeux actuels pour construire ensemble un avenir durable.

La responsabilité des catholiques

 

Dans cette perspective, les catholiques n’ont pas à agir comme un lobby. Présents dans la société européenne depuis deux mille ans, ils ont contribué à structurer ses principes fondateurs, sans parler de tant d’œuvres éducatives, sociales et politiques. Aujourd’hui encore, nous sommes appelés à nous comporter en citoyens responsables, en allant voter, en interpellant les candidats sur leurs projets et les bases qu’ils veulent leur donner pour engager notre avenir commun. Pour ce faire, les chrétiens peuvent partager la Doctrine sociale de l’Église. Même le président de la République nous y a appelé dans son discours aux Bernardins : les catholiques « doivent faire à la nation le don de l’humilité de l’interrogation, mais aussi celui de l’engagement ». Déjà le concile Vatican II soulignait l’importance de cet engagement dans la société politique, au service du bien commun. Loin de nous désespérer de l’état de l’Europe, nous, catholiques, sommes invités à stimuler nos élus nationaux ou au Parlement européen, pour qu’ils s’engagent toujours davantage au service des personnes, des familles des communautés humaines, dans la perspective d’une société plus juste et durable. Face à ces nombreux défis, notre foi en un Dieu qui donne sa vie pour ceux qu’il aime nous pousse, à sa suite, à ne pas déserter nos responsabilités.

Grâce à notre engagement personnel et communautaire, nous pouvons peser sur les politiques pour remettre la personne humaine au cœur des politiques publiques sur ce continent que Dieu nous confie.[1]

 

[1] Dans les prochaines semaines, les évêques de la COMECE publieront un message en vue des prochaines élections européennes. On pourra aussi lire les différents messages que le pape François à adresser aux parlementaires européens en 2014 ou aux chefs d’État lors de l’anniversaire du Traité de Rome en 2017.