Paris - Comment participons-nous à la construction européenne? — Action catholique des milieux indépendants (ACI)

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Paris - Comment participons-nous à la construction européenne?

Une table ronde avec Sylvie Goulard, Bernard Chambon et le père Grégoire Catta pour aborder les institutions, l'économie, l’Église sous l'angle société et bien commun

L'Europe et nous ?

Comment participons-nous concrètement à la construction européenne ? Tel était le thème de la conférence-débat proposée par le comité de rédaction et accompagnée par l’équipe nationale.

110 personnes étaient présentes au théâtre saint Léon, à Paris.

 

 

 

Marc Deluzet (président de l'ACI) et Françoise Michaud (responsable de la commission internationale, vive présidente de l'ACI) reviennnent sur les échanges.

 

Accueillant les participants, Hélène Mercier, Présidente de l’ACI, souligne les acquis apportés par l’Union européenne depuis sa création, il y a 60 ans, et les difficultés qui se posent aujourd’hui. L’ACI est concernée par la construction européenne, à travers son engagement dans le relais européen du MIAMSI, qui vient de se réunir à Florence en novembre dernier.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un inventaire positif et tourné vers l’avenir de la construction européenne

 

Un positionnement repris et amplifié par Sylvie Goulard, ancienne ministre et députée européenne : « j’ai envie d’être positive ce soir, car je cherche à être porteuse d’espérance. Avec le Brexit, nous nous rendons compte que les inconvénients de l’Union européenne ont été exagérés. Certes, l’Union n’est pas à la hauteur de toutes les attentes, mais nous devons avoir conscience des manipulations que des intérêts étrangers peuvent opérer à travers les réseaux sociaux et garder un jugement nuancé ». Et de citer tout ce qu’a apporté le projet européen : la paix solidifiée, spécialement en Irlande du Nord où il y a eu des attentats jusqu’en 1998 ; les droits de l’homme, la dignité et la solidarité qui sont des principes inscrits dans les textes fondamentaux de l’Union ; l’abolition de la peine de mort, l’égalité femme-homme et la non-discrimination envers les minorités sexuelles ou culturelles qui sont des traits distinctifs de l’Europe. « L’intégration économique nous apporte davantage de complémentarité et de poids sur la scène mondiale qu’elle ne nous apporte de contraintes. Nous sommes face à des compétiteurs redoutables, en Chine ou en Amérique, qui se délectent à nous diviser », explique-t-elle en réponse à plusieurs questions.

 

« Dans plusieurs domaines, nous avons des règles, qui servent parfois de bouc-émissaires de nos difficultés, poursuit Sylvie Goulard, mais dans beaucoup d’autres, nous n’avons pas encore commencé à agir sur le plan européen ». Pour bâtir une véritable politique migratoire, pour mieux équilibrer social et économique, pour construire l’Europe de la sécurité et de la défense, pour avancer vers une fiscalité plus cohérente. « L’Europe a des atouts importants en matière technologique, avec l’intelligence artificielle et les potentialités qui en découlent. Notre tâche est de penser l’avenir mais les europhobes parlent davantage du passé sans proposer de solutions pour demain », conclut-elle.

L’Europe : un ensemble de personnes appelées à former une communauté

 

« Que peut-on chacun personnellement apporter à l’Europe ? », interroge le Père Grégoire Catta, Directeur du service « Famille et Société » de la Conférence des Evêques de France, en reprenant le thème de la soirée. Il propose d’aller puiser dans la doctrine sociale de l’Eglise et dans les nombreux discours du Pape François sur l’Europe. « François invite à redonner une âme à l’Europe, mais il ne s’agit pas d’imposer un modèle chrétien préétabli, plutôt d’entrer en dialogue avec d’autres pour construire ensemble un projet commun. Comme la sève monte des différentes racines pour apporter un nouvel élan ». Quels fondements pouvons-nous apporter à l’Europe ? La personne humaine, être de relation, et la communauté, poursuit le Père Catta : L’Europe est faite de personnes, cela signifie qu’elle se construit sur nos expériences personnelles de rencontres, échanges de collégiens et d’étudiants, rencontres dans la sphère professionnelle. Ensuite, les êtres de relation que nous sommes, sont appelés à former communauté. C’est ainsi que l’on parle de peuple, de famille humaine, de faire davantage communauté ».

De ces deux fondements, l’Eglise souligne cinq pierres pour construire l’Europe. « Qu’elle soit un espace de dialogue, y compris pour les sans voix, les oubliés, afin de contribuer à la poursuite du bien commun ; qu’elle soit ensuite une communauté inclusive, qui sache valoriser nos différences, les intégrer sans les dissoudre, ce qui vaut pour la question migratoire avec les verbes chers au Pape François : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer ; que l’Europe soit un espace de solidarité, avec une sollicitude pour les plus faibles ; qu’elle soit source de développement, à la manière dont nous y invite l’écologie intégrale de Laudato Si’ ; qu’elle soit enfin une promesse de Paix ». Cette Europe n’est pas seulement celle de l’Union européenne, elle concerne les pays du Conseil de l’Europe et porte un message de nature universelle.

 

L’entreprise, un des creusets de la construction européenne

 

« Bien avant la création de l’Union européenne, des entreprises existaient à l’échelle du continent, à travers notamment leurs filiales », explique Bernard Chambon, dirigeant de société et ancien responsable de fédération professionnelle et d’organisation patronale. « Avec la construction européenne, elles se sont transformées, soit par volonté politique dans un marché porteur comme Airbus, soit sous l’influence du marché unique : auparavant, les entreprises chimiques servaient des marchés nationaux, Rhône Poulenc en France, Bayer et Hoechst en Allemagne, ICI au Royaume Uni ; l’intégration dans un marché unique a conduit à des regroupements ».

Les transformations ont fait émerger des entreprises très intégrées, avec des gouvernances de moins en moins, voire plus du tout nationales, même pour Airbus. « Elles ont des lignes de production et des organisations européennes. Les postes-clés sont partagés entre divers pays. Lors des restructurations, les plans sociaux et les comités d’entreprise européens ont multiplié les échanges européens entre responsables et entre représentants salariés. Il en résulte un effet sur les mentalités très important, en faisant tomber un certain nombre de stéréotypes des uns sur les autres. Chacun est amené à reconsidérer ses pratiques, ses façons de voir ». Les entreprises sont devenues européennes. De plus en plus, leurs dirigeants, managers et représentants syndicaux (demain l’ensemble de leur personnel) considèrent l’Europe comme leur « marché intérieur », pensent et agissent au plan européen .

« Sur le plan mondial, il est possible d’identifier un véritable ADN européen, en matière économique, environnemental et social, ajoute Bernard Chambon. L’Europe traite les trois dimensions ensemble, à travers le développement durable, et c’est un trait spécifiquement européen. Comme Rhodia l’a initié à la fin des années 1980, les entreprises européennes internationales concluent désormais avec les fédérations syndicales mondiales des socles de garanties sociales minimales qui diffusent leur modèle social à l’échelle de la planète. Aux Etats-Unis, Rhodia est intervenu auprès de ses managers américains pour les obliger à accepter le fait syndical ». Cette européanisation des entreprises s’est faite en même temps que les institutions, mais aussi en marge, voire quelque fois en opposition. Un stade irréversible a été atteint. Les anglais le découvrent avec le Brexit, notamment pour Airbus dont les ailes sont fabriquées au Royaume Uni, c’est aussi vrai dans l’industrie pharmaceutique et automobile. « Même s’il n’y a pas de politique de défense commune, il existe une société européenne de  missiles avec des compétences réparties entre les Français et les Anglais. Nous sommes dans une situation d’intégration irréversible, avec de nouveaux challenges devant nous comme l’intelligence artificielle ou la mainmise de  la Chine de la fabrication des batteries, qui doivent nous mobiliser ».

La soirée a permis d’aborder de multiples sujets : la place des lobbies, la subsidiarité, la prise en compte des PME, les différences entre pays. Ayons bien conscience que la richesse de l’Europe est aussi faite de ses différences.

 

Pour tous renseignements complémentaires : Marie-Pierre Valdelièvre, déléguée nationale en charge de la commission internationale