Témoignage sur les défis de l'éducation au Liban — Action catholique des milieux indépendants (ACI)

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Témoignage sur les défis de l'éducation au Liban

Claire Said, directrice d'une école libanaise, nous a interrogés sur les défis à relever pour répondre à la volonté de Dieu, dans un monde qui encourage l'injustice, la corruption, la culture de la mort

MIAMSI – ROME
Mercredi 23 mars 2022
Intervention de Claire SAID


Introduction
Je commencerai par présenter mon Liban qui vous attendait mais malheureusement les évènements mondiaux et locaux se sont précipités à l'encontre du désir de Mme la présidente et de l'équipe internationale. Permettez-moi de remercier profondément Maryse pour son dévouement de laïque à servir l'Eglise, sa passion pour la justice, le respect de la vie humaine et son attention à mon cher pays et d'autres pays en crise. Loué sois le Seigneur pour tout ce qu'il nous a donné! Laudato si!


Vidéo live love lebanon
J'ai voulu commencer avec ce documentaire pour dire que ce que je vais raconter par la suite n'est que la moitié du verre qui décrit la situation au Liban, malgré les épines, de belles choses se vivent.


1. Questions de départ
- Comment prenons-nous du recul, en relisant l’origine et l’évolution dans le temps des questionnements, des engagements ?
- Quelles sont les causes identifiées ? Quelles sont les conséquences identifiées ?
- Quelle est l’implication des différents acteurs ?
- Comment la Parole de Dieu et l'Enseignement Social de l’Église nous permettent de discerner ?
Ces questions ont été posées par l'équipe de préparation de cette assemblée pour la 2e journée de vos travaux dans la lignée de la pédagogie de l'Action Catholique : Voir, écouter/Discerner, évaluer/Agir, s'engager, transformer.


2. Définition
Pour définir le discernement selon un père Jésuite : Écoutez saint Paul : "Laissez Dieu vous transformer et vous donner une intelligence nouvelle. Vous pourrez alors discerner ce que Dieu veut : ce qui est bien, ce qui lui est agréable et ce qui est parfait" (Romains 12,2). Tout est dit : l'intelligence spirituelle est cette faculté qui nous rend capables de découvrir ce que Dieu désire pour nous, pour notre bonheur, "ce qui plaît au Seigneur" (Éphésiens 5,10). Saint Jean invite au "discernement des esprits" : "Ne vous fiez pas à tout esprit, mais éprouvez les esprits pour voir s'ils viennent de Dieu" (1 Jean 4,1). Le discernement, "l'intelligence spirituelle", est finalement bien proche de la Sagesse, dont nous parle le Livre des Proverbes : "Moi, la Sagesse, j'ai pour demeure la prudence. J'ai découvert la science de l'opportunité" (Proverbes 8,12). C'est la Sagesse qui donne de savoir "lire les signes des temps". D'entendre les appels que nous adressent les circonstances et les rencontres. De connaître les moments où il faut parler pour témoigner de l'espérance qui nous anime et de la foi qui nous fait vivre, et quand se taire, parce que "ce n'est pas le moment". Dans le Livre d'Isaïe, il est dit du "Serviteur" : "Sur lui reposera l'Esprit du Seigneur, esprit de sagesse et de discernement" (11,2). Que Jésus, le Serviteur, nous communique la "science de l'opportunité".

3. Pourquoi discerner ?
Fidèles Laïcs et laïques engagés au MIAMSI On fera ensemble un survol sur le Décret sur l'Apostolat des laïcs Apostolicam Actuositatem "… Les laïcs rendus participants de la charge sacerdotale, prophétique et royale du Christ assument, dans l’Église et dans le monde, leur part dans ce qui est la mission du Peuple de Dieu tout entier [5]. Ils exercent concrètement leur apostolat en se dépensant à l’évangélisation et à la sanctification des hommes ; il en est de même quand ils s’efforcent de pénétrer l’ordre temporel d’esprit évangélique et travaillent à son progrès de telle manière que, en ce domaine, leur action rende clairement témoignage au Christ et serve au salut des hommes. Le propre de l’état des laïcs étant de mener leur vie au milieu du monde et des affaires profanes ; ils sont appelés par Dieu à exercer leur apostolat dans le monde à la manière d’un ferment, grâce à la vigueur de leur esprit chrétien. » Dans ce passage, notre profil de fidèle laïque/laïc est explicitement présentée. Notre mission et notre vocation est bien claire : un apostolat qui nous invite, de par notre baptême à sanctifier et à évangéliser le monde profane où nous sommes : la famille, le travail, nos communautés, nos sociétés, nos pays … pour travailler au progrès de l’humanité, à témoigner de l’amour du Christ et servir le salut des femmes et des hommes, dans les affaires profanes. Le lieu privilégié du fidèle laïc pour vivre sa vocation et réussir sa mission. Une feuille de route nous est donnée sur notre attitude personnelle dans la communauté, chercher a vivre les béatitudes. « Poussés par la charité qui vient de Dieu, ils pratiquent le bien à l’égard de tous, surtout de leurs frères dans la foi (cf. Ga 6, 10), rejetant « toute malice, toute fraude, hypocrisie, envie, toute médisance » (1 P 2, 1), entraînant ainsi les hommes vers le Christ. Or, la charité divine, qui « est répandue dans les coeurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 5), rend les laïcs capables d’exprimer concrètement dans leur vie l’esprit des Béatitudes. » Dans un autre passage de ce chapitre, la notion du « Bien Commun » est mise en valeur pour nous dire, que chacun selon son charisme et les dons qu’il possède est invité à collaborer au service de ce bien commun et pourquoi pas de s’impliquer dans la politique pour la sanctifier. « Dans le dévouement envers la nation, dans le fidèle accomplissement de leurs devoirs civiques les catholiques se sentiront tenus de promouvoir le vrai bien commun ; c’est ainsi qu’ils pourront amener le pouvoir civil à tenir compte de leur opinion afin qu’il s’exerce dans la justice et que les lois soient conformes aux exigences morales et au bien commun…Les catholiques s’attacheront à collaborer avec tous les hommes de bonne volonté pour promouvoir tout ce qui est vrai, juste, saint, digne d’être aimé (cf. Ph 4, 8). » Ainsi, en tant que membre de l’Action Catholique et plus précisément du MIAMSI, « discerner » est un fonctionnement naturel dans notre mission. Du fait qu’on est appelés à l’action, on doit comprendre avant d’agir, seul et avec les autres, se comprendre et comprendre avec les autres. On ne peut répondre à cet appel de baptisés si on ne fait pas ce retour à la parole de Dieu et à l’enseignement de l’Eglise pour puiser la sagesse et la synergie d’amour de la Sainte Trinité. OEuvrer dans le monde selon les valeurs de l’Evangile, n’est pas chose facile !

4. Un monde fermé
Dans cette réflexion, je partirai de mon contexte personnel qui rejoint d'autres expériences parmi l'assemblée sous une forme ou une autre. Présentation du contenu du passage filmique puis Visionnement explosion du port de Beyrouth.
Quels appels pour un fidèle laïc dans un monde en perturbations de sens et dans tous les sens ? Que vivons-nous dans ce monde fermé selon le terme utilisé par le pape François au début de sa dernière encyclique Fratelli Tutti?
Comment collaborer à la construction du Royaume de Dieu, alors que le nombre des pauvres augmente potentiellement, que les grandes puissances dominent et capturent le droit à la vie des peuples, des guerres économiques, armées, politiques, de religion ? Des personnes avides de pouvoir…
Comment discerner la volonté de Dieu dans un monde qui encourage l'injustice, la corruption, la culture de la mort ?
Les pays les plus riches exploitent les ressources des pays en voie de développement, et les poussent à s'enfoncer de plus en plus dans la pauvreté, les obligeant à l'immigration, au déracinement forcé de leurs terres l'Irak, la Syrie, l'Ukraine, le Liban… ? Des pratiques en dehors de la logique du développement intégral de l'homme et des sociétés.
Une série de questionnement nous interpelle dans un monde où la loi du plus fort gagne, où les droits de l'Homme sont bafoués … Même dans nos propres pays et sociétés, nous vivons des situations critiques : corruption, injustice, pauvreté, exploitation, chômage, bulling dans le monde des jeunes et des adultes. Chacun de nous pourra prendre un temps et voir défiler devant lui les situations d’exclusion, de maltraitance ……la liste se prolonge.


5. Vers où nous orienter pour avoir l’eau de la vie ?
Comment la Parole de Dieu et l'Enseignement Social de l’Église nous permettent de discerner ?
Point 1 - Bulle de la Miséricorde - 2016
Jésus-Christ est venu annoncer et accomplir le temps perpétuel de la grâce du Seigneur, annonçant la Bonne Nouvelle aux pauvres, la délivrance aux captifs, la vue aux aveugles et la liberté aux opprimés (cf. Lc 4, 18-19). Message aux jeunes 2016
« Redécouvrir et rendre visible le visage miséricordieux de Dieu telle serait la mission des laïcs engagés, des prêtres et des religieux de l'Église locale dans un cheminement de conversion, et auprès des réalités et des situations de souffrance morale et corporelle. »
Nous sommes appelés de façon encore plus pressante, à fixer notre regard sur la miséricorde, afin de devenir nous aussi signe efficace de l’agir du Père.
L’Eglise se fait servante et médiatrice de cet amour qui va jusqu’au pardon et au don de soi. L’Eglise, responsable d’être dans le monde le signe vivant de l’amour du Père.

Il est déterminant pour l’Eglise et pour la crédibilité de son annonce de vivre et de témoigner elle-même de la miséricorde. Son langage et ses gestes doivent transmettre la miséricorde pour pénétrer le coeur des personnes et les inciter à retrouver le chemin du retour au Père.
De… Là où l’Eglise est présente, la miséricorde du Père doit être manifeste dans nos paroisses, les communautés, les associations et les mouvements.
A …
- dire une parole et faire un geste de consolation envers les pauvres,
- annoncer la libération de ceux qui sont esclaves dans les nouvelles prisons de la société moderne,
- redonner la vue à qui n’est plus capable de voir car il est recroquevillé sur lui-même,
- redonner la dignité à ceux qui en sont privés.
Un appel bien clair à nos communautés de devenir l’agir du Père, un agir miséricordieux, un agir qui se fait ensemble. En tant qu’orientale, je médite la Trinite Sainte qui est à l’oeuvre dans le monde, qui nous incite à suivre son exemple, dans l’agir du Père miséricordieux.
Le danger de l’individualisme qui est contre la logique du discernement pourrait nous dérouter de notre vraie vocation de baptisés. On risque de se référer à nous-mêmes dans notre discernement, d’où l’importance de l’équipe.
Par conséquent, on touche à un point sensible de notre vécu communautaire, au sein de nos équipes du mouvement : le discernement nous sert de remède aux faiblesses relationnelles qui se créent entre nous. Que de fois on perd la boussole et on se centre sur nos propres difficultés relationnelles à l’interne, pour oublier l’essentiel de notre vocation. Pour cette raison, le discernement est toujours un chemin qui nous ouvre à la mission, à être cohérent avec nous-mêmes en tant que communauté. C’est le fait d’ouvrir l’équipe à la volonté de l’Esprit Saint, à l’écoute intelligente des besoins, du désir de l’autre et de la sagesse de Dieu. D’où l’importance de la présence de l’aumônier dans nos équipes pour rappeler le retour au textes bibliques dans les temps de prise de décisions.


Point 2 – Pacte de Fraternité - Abu Dhabi – 2019 « Le Document sur la "Fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune", signé par le Pape et par le Grand Imam d’Al-Azhar, constitue une étape de la plus grande importance dans le dialogue entre chrétiens et musulmans, un signe puissant de paix et d’espérance pour l’avenir de l’humanité. Ce Document est un appel pressant à répondre au mal par le bien, à renforcer le dialogue interreligieux et à promouvoir le respect réciproque pour barrer la route à ceux qui soufflent sur les braises du choc des civilisations. À Abou Dhabi, le Pape François et le Grand Imam Al-Tayyib ont indiqué ensemble un chemin de paix et de réconciliation que peuvent emprunter tous les hommes de bonne volonté, et pas seulement les chrétiens et les musulmans. Ce Document est courageux et prophétique parce qu’il aborde, en les appelant par leur nom, les thèmes les plus urgents de notre temps au sujet desquels ceux qui croient en Dieu sont exhortés à interroger leur conscience et à assumer avec confiance et détermination leur propre responsabilité pour construire un monde plus juste et solidaire. Sans ambiguïté, le Pape et le Grand Imam préviennent que personne n’est autorisé, en aucun cas, à utiliser le nom de Dieu pour justifier la guerre, le terrorisme ou toute autre forme de violence. Ils réaffirment que
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la vie doit toujours être sauvegardée et que les droits des femmes doivent être pleinement reconnus, en rejetant toute pratique discriminatoire à leur encontre. Face à une humanité blessée par tant de divisions et de fanatismes idéologiques, le Pape et le Grand Imam d’Al-Azhar montrent que la promotion de la culture de la rencontre n’est pas une utopie, mais la condition nécessaire pour vivre en paix et pour laisser aux générations futures un monde meilleur que celui dans lequel nous vivons. »
Visionnement du film Tayounneh Je relate mon expérience au niveau de l'établissement que je dirige, ou une majorité de familles musulmanes qui envoient leurs enfants dans une école catholique. Que cherchent-ils? En fait ils cherchent les valeurs chrétiennes qui font la promotion du respect de l'autre dans sa différence. Je retourne à l'incident du 14 octobre 2021. Après une semaine de suspension de cours car les élèves et les profs étaient traumatisés par la bataille qui a eu lieu tout autour de l’école, et après un travail psychologique en ligne sur l’expression du trauma qui a été vécu, le premier jour de retour nous avons voulu mettre une parole et un geste pour exprimer notre volonté et nos convictions pour le « vivre ensemble ». Avec le comite des parents d’une mixite religieuse nous avons célébré le retour par une prière commune ou les musulmans ont fait leur propre prière et où les chrétiens ont fait leur prière et chacun a écouté la prière de l’autre c’était en présence des médias nationales. Face a un geste de violence, un geste de paix est exprimé suite à un discernement commun entre les parents musulmans et les parents chrétiens. Pour clôturer, avec la crise économique fatale du pays, l’école a joué un rôle caritatif envers les familles déstabilisées. On distribuait des paquets alimentaires, on ne faisait pas de distinction entre les musulmans et les chrétiens. C’était le moment de témoigner en tant que chrétiens de l’amour inconditionnel du Christ. Même au Ramadan, nous avons choisi les familles musulmanes en détresse pour les aider par des paquets alimentaires, non pas par un acte de prosélytisme mais par acte de fraternité en concordance avec l’enseignement de l’Eglise.


Point 3 - Laudato si -2018 - Fratelli Tutti -2020
Le pape François est convaincu que le lien social ne peut être compris qu’en articulation avec la manière d’habiter la maison commune : « Tout est lié », « [Il nous faut] écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres ». citation de Laudato si. Inspiré par Saint François, le pape consacre une nouvelle encyclique à la fraternité et à l’amitié sociale. En effet, saint François, qui se sentait frère du soleil, de la mer et du vent, se savait encore davantage uni à ceux qui étaient de sa propre chair. Il a semé la paix partout et côtoyé les pauvres, les abandonnés, les malades, les marginalisés, les derniers. Le pape s’approprie ce conseil du Saint par lequel il invite à un amour qui surmonte les barrières de la géographie et de l’espace. Il déclare heureux celui qui aime l’autre « autant lorsqu’il serait loin de lui comme quand il serait avec lui ». En quelques mots simples, il exprime l’essentiel d’une fraternité ouverte qui permet de reconnaître, de valoriser et d’aimer chaque personne indépendamment de la proximité physique, peu importe où elle est née ou habite.


Dans son encyclique Fratelli Tutti, le pape exprime sa volonté de partager un rêve : « un nouveau rêve de fraternité et d'amitié sociale qui ne se cantonne pas aux mots", un rêve à faire ensemble "comme des voyageurs partageant la même chair humaine, comme des enfants de cette même terre qui nous abrite tous, chacun avec la richesse de sa foi ou de ses convictions, chacun avec sa propre voix, tous frères. » [ 8 ] On est des enfants de la terre, du même Dieu et en même temps on a chacun sa richesse, chacun sa conviction. C’est cette fraternité universelle qui guide sa véritable utopie, présente mais non encore réalisée. Un rêve de changer ces situations : l’exclusion de populations entières des bénéfices de la mondialisation, la régression des droits humains, de moins en moins universels, la montée des peurs et des conflits, les inégalités face au progrès, les pandémies et la virtualisation de la société, le drame des migrations, l’explosion des discours haineux et des contre- vérités sur les réseaux sociaux et dans la parole politique, les dominations culturelles. On est des enfants de la terre, du même Dieu et en même temps on a chacun sa richesse, chacun sa conviction. C’est cette fraternité universelle qui guide sa véritable utopie, présente mais non encore réalisée. Il nous invite à méditer sur le « bon samaritain », intitulé « Un étranger sur le chemin ». De nouveau on retrouve une parabole du monde actuel dans laquelle il dresse le constat de cette souffrance, de cette noirceur et de cette tragédie de l’indifférence de certains dans le monde, mais avec une vision beaucoup plus spirituelle et positive. De même, le Pape explique combien les peuples d’Amazonie doivent être respectés dans leur culture locale et leurs spécificités. Pour lui il y a un drame des peuples indigènes et il faut se solidariser sinon on n’est pas frères avec eux : « Il n’est pas possible d’être local de manière saine sans une ouverture sincère et avenante à l’universel, sans se laisser interpeller par ce qui se passe ailleurs, sans se laisser enrichir par d’autres cultures ou sans se solidariser avec les drames des autres peuples. » [ 146 ] Le Pape reste foncièrement « anti-exploitation », il réitère son opposition à ceux qui vident « des pays entiers de leurs ressources naturelles par des systèmes corrompus qui entravent le développement digne des peuples » [ 125 ], ainsi qu’à ces dettes qui « en arrive[nt] à compromettre la survie et la croissance [des peuples]. » [ 126 ] Enfin il fait allusion au trois « T » : « Assurer une terre, un toit, et un travail à chacun » [ 127 ]. Il faut avoir une terre et un travail pour se nourrir et un toit pour se protéger et pour créer une famille, c’est vraiment la mise en pratique de cette volonté de travailler au bien commun, c’est-à-dire créer des conditions pour que la dignité de l’homme soit respectée. Conclusion A quoi le pape appelle -t-il les chrétiens ? Ce qui vraiment novateur dans cet appel est qu’il est beaucoup plus clair sur les lieux dans lesquels les chrétiens doivent s’engager. Il parle bien sûr du combat auprès des migrants mais également – et c’est quelque chose de tout à fait nouveau qui n’existait pas dans les encycliques avant Laudato Si – il les appelle à s’engager sur le terrain du respect de la planète, de l’écologie, dans toutes les questions relatives à l’environnement. En effet, il pousse les paroisses et les diocèses à faire une conversion écologique en disant que c’est important pour l’ouverture. Le Pape touche à des questions où l’Église est finalement peu présente, et si elle l’est, elle reste plutôt conformiste, notamment à la question migratoire, c’est la problématique de cette époque, quand on voit le nombre de millions de personnes en migration, les morts etc…


Pour lui, il faut que l’Église puisse répondre aux questions des êtres de son époque : penser l’avenir de la planète, aborder la question migratoire, diminuer les inégalités qui s’accroissent, aborder les questions sociétales comme l’avortement ou la montée du populisme. C’est sur ces questions-là qu’il veut mettre l’accent. Le Pape est quelqu’un qui écoute le monde et qui repère les endroits où il y a des souffrances. En fait il dit en filigrane aux chrétiens, « il ne faut pas simplement vous engager dans des gestes charitables et personnalisés mais il faut aussi s’engager politiquement car les institutions sont importantes ». On retrouve cela dans cette phrase : « Même le bon Samaritain a eu besoin de l’existence d’une auberge qui lui a permis de résoudre ce que, tout seul, en ce moment-là, il n’était pas en mesure d’assurer. L’amour du prochain est réaliste et ne dilapide rien qui soit nécessaire pour changer le cours de l’histoire en faveur des pauvres. » [ 165 ] Si le temps le permet et l’attention de l’assemblée est toujours soutenue Je me permettrai de partager une expérience vécue avec les migrants syriens au Liban, dans l’association Fratelli dont je suis membre de cette association, qui gère deux centres socioéducatifs pour les enfants migrants ou enfants libanais vulnérables. Suite à un appel du pape pour aller au-delà des frontières en 2016, les supérieurs généraux de deux congrégations, les maristes et les lasalliens, dont je fais partie, sont venus au Liban pour proposer à leurs communautés respectives d’accueillir les enfants syriens déplacés au Liban. L’histoire politique entre les deux pays a été mouvementée par des guerres et des conflits durs. C’était le choc pour nous libanais de monter un projet dans ce sens. Cet appel parvenu de nos hiérarchies nous a poussés à faire un discernement intercommunautaire en se référant à l’Évangile et à l’appel de l’Eglise. Un discernement qui nous a accompagné à un dépassement, une sortie de soi vers la volonté de Dieu, vers un retour a notre vocation de filles et fils de Dieu. Il n’est pas facile à se soumettre à un discernement qui te fait souffrir des fois pour créer de nouvelles réalités, nouvelles situations de vie.
C'est quoi discerner pour un membre du MIAMSI et pour les équipes du MIAMSI ?
Quelles attitudes à prendre ?
Quels défis à relever au sein des équipes ?
Quelles réponses à donner